Nous publions ici des témoignages de personnes intersexes ayant subi des violences médicales dans l’enfance et dans l’adolescence, afin de visibiliser les effets de ces pratiques.
Avertissement : ces témoignages contiennent des récits de mutilations, de violences physiques et sexuelles, et de souffrances psychiques et physiques.
Naima, 39 ans, présentant une hyperplasie congénitale des surrénales (variation découverte à la naissance) :
« Je fais que deviner mais je devine qu’ils ont dû leur dire [à ses parents, nda] que c’était une histoire de une, deux, trois chirurgies, et qu’après l’engrenage… parce que moi ça ratait […] 33 fois… Ils ont coupé l’urètre. Ils ont nié hein, ils ont dit que c’était psychologique… ils ont dû réopérer. […] Mais j’ai jamais dit non, j’ai jamais fait de caprice. J’ai jamais dit « Ça suffit, faut que vous arrêtiez » […] J’étais une enfant gentille. »
Charlotte, 25 ans, présentant des chromosomes XY et insensible aux androgènes (variation découverte à la naissance) :
« Les dilatations [vaginales, nda] elles étaient sous anesthésie complète. […] Toutes les semaines. Et quand je me réveillais après, pendant deux jours après je saignais du vagin […]. J’ai eu une première vaginoplastie et après j’ai eu des sténoses à l’endroit de la
cicatrice, et du coup j’allais toutes les semaines pour faire une dilatation. Et après toutes les deux semaines, toutes les trois semaines. Et je me souviens, j’étais allée à un camp et du coup j’avais dû louper une ou deux dilatations et après j’étais retournée à l’hôpital et ils m’ont dit « Ah ça s’est refermé » et donc faut en refaire une, vaginoplastie. Et du coup on a refait une vaginoplastie complète. Donc de nouveau une opération de 4-5h avec deux semaines à l’hôpital etc, et après de nouveau les dilatations […] et après je suis retournée à l’hôpital parce que j’avais super mal au ventre et on m’a dit qu’il y avait du liquide qui était resté dans mon ventre et qu’il fallait refaire la vaginoplastie, donc de nouveau, 4h de vaginoplastie, des dilatations toutes les semaines, deux semaines, trois semaines… Et ensuite à nouveau, donc en tout y a eu 4 vaginoplasties et je sais pas combien de dilatations. […] Où j’y allais plus d’une fois par mois, ça s’est étalé sur 4 ans. […] J’avais de 8 à 13 ans environ. »
Tasha, 29 ans, née sans vagin (variation découverte lors d’une chirurgie pour kyste ovarien à 16 ans) :
« J’étais super choquée, c’était pas du tout ça qui était prévu, je me retrouve avec un truc dont je savais même pas que ça pouvait exister et opérée de ça. […] Ils me disent en gros « On a réparé ça et on t’a fait un vagin » […] En m’examinant ils se rendent compte que, en fait, non seulement la première opération n’avait pas marché parce qu’ils ont enlevé la mèche trop tôt […] et ils se rendent compte aussi qu’au passage ils m’ont troué la vessie pendant l’opération […] du coup ils me réopèrent, ils me recousent la vessie, ils me recréent un passage vaginal et je rereste à l’hôpital genre 10 jours. […] Donc ça c’était la 2e fois et après ça a repas marché. ».
Gabrielle, 28 ans, présentant des chromosomes XY et insensible aux androgènes (variation découverte à la naissance) :
« Je me souviens déjà qu’elle [sa chirurgienne] était très contente, je me souviens de sa mine contente « Ah mais c’est très bien ! ». C’était très bizarre. Ça me fait mal, et elle me dit que j’ai un vagin qui est suffisamment long mais qui est trop étroit. Dans sa lettre elle écrit « Si cette patiente était parisienne je suggérerais qu’elle fasse des séances d’auto-dilatation à la bougie, qui se font sans douleur par la patiente elle-même. » et donc je commence les séances de dilatation sauf que je les supporte très mal, que ça me fait très mal, que je suis incapable de les faire toute seule. […] Ça me faisait trop mal, j’avais l’impression de devenir dingue. Quand je sortais [des séances de dilatation avec la gynécologue] j’avais l’impression d’avoir les jambes à un mètre l’une de l’autre, enfin c’était horrible quoi. Ça me rendait folle ces séances. »
MD, 40 ans, présentant des chromosomes XY et insensible aux androgènes (variation découverte à la naissance) :
« J’allais tout le temps à l’hosto, les dilatations vaginales, les trucs, les machins, enfin toutes les histoires… vers 7, 8, 9 ans. […] Je voulais plus aller voir les médecins, c’était un traumatisme, c’était hyper violent et je le vivais super mal, j’y allais en chialant, je disais « Non je veux pas que le monsieur il touche… »
Naïma :
« Avant les grandes vacances d’été ils m’ont opérée c’était horrible, ils m’ont mis des drains… Je suis restée un mois et demi à l’hôpital, là c’était la goutte qui a fait déborder le vase, j’ai craqué en vrai, ils m’ont pas laissé manger pendant plusieurs jours, j’avais droit qu’au truc de glucose. La douleur elle était là. Ils avaient fait un truc de tarés, c’était vraiment des gens tarés. Ils avaient installé une bougie de façon permanente pendant une semaine je crois, jusqu’à ce que je dise « C’est plus possible. ». J’ai fini en dépression. Je suis sortie au bout d’un mois et demi. […] Et je pars en vacances, je reviens de vacances, ils font l’examen à la rentrée, ils me disent « Ça s’est résorbé, ça s’est rétréci. ». »
Tasha :
« De toute façon quand j’essaie d’avoir des rapports c’est genre horrible parce que ça me fait vraiment mal. […] J’ai commencé à me dire que les filles me plaisaient et qu’en fait j’étais pas du tout attirée par les mecs et que j’étais lesbienne et ça c’est un truc qui je pense existait déjà quand j’étais ado et qui a été totalement occulté avec toutes les opérations et tout ce que j’ai subi parce que c’était tellement écrasant tout ce qui m’arrivait que j’avais pas la place de penser à tout ça. »
Gabrielle :
« J’allais avoir 19 ans, et c’est là que j’ai eu la deuxième opération. Où ils ont agrandi l’entrée et élargi l’arrière. Je me souviens juste que le médecin faisait 1m90 et qu’il me faisait beaucoup trop peur (rires) et que quand je me suis réveillée c’est là qu’il m’a dit cette phrase un peu trash, qu’ils avaient vérifié et que mon vagin était « en mesure de recevoir un pénis de taille moyenne », et que j’ai buggé à nouveau. »
Charlotte :
« A 13-14 ans j’avais un vagin qui était totalement praticable et en fait les cicatrices maintenant elles sont devenues un peu vieilles, du coup quand je fais l’amour maintenant bah souvent je saigne, et genre c’est un peu genre… j’ai tout le temps des mycoses ou des infections urinaires […] à chaque fois que je fais l’amour, je saigne. En général c’est après donc ça va parce que comme ça mon partenaire il le voit pas, mais genre l’autre jour j’ai eu un Tinder date et c’était genre horrible, on a fait l’amour et y avait du sang partout, mais vraiment partout et j’étais là « Merci les médecins ! » et je suis allée chez mon chirurgien, je suis allée chez mon endocrinologue, je suis allée chez ma gynécologue, ils m’ont tous dit « Oui bah on voit que c’est irrité au niveau de la cicatrice, que quand tu fais l’amour […] bah du coup tu saignes…mais on peut rien faire. » Donc c’est génial parce que à 8 ans j’aurais pu faire l’amour et puis j’aurais pas saigné, mais maintenant quand je suis en âge de pratiquer librement ma vie sexuelle, bah j’ai toujours cette arrière-pensée dans ma tête « Putain j’espère que je vais pas saigner ». »
Gabrielle :
« J’ai commencé à voir la pédopsychiatre de l’hôpital, j’ai commencé à prendre des antidépresseurs, et c’est la période où j’ai commencé à me faire du mal. J’ai eu pendant très longtemps des… enfin je me scarifiais beaucoup.[…] J’ai commencé à avoir un rapport à mon corps qui était vraiment violent. »
Alyx, 26 ans, présentant des chromosomes XY et insensible aux androgènes (variation découverte à la puberté) :
« Quand je rentrais chez moi, d’un rendez-vous médical en rapport avec ça, généralement la première chose que je faisais c’était d’aller dans ma chambre pour me mutiler. »
Tasha :
« À l’époque c’est juste une espèce de flou total, où bah en fait je pense que j’étais juste en dépression tu vois, clairement ; et que j’étais vraiment incapable de savoir ce qui se passait à part du mal-être. »
MD :
« J’ai commencé à fumer à 11 ans, à dealer [du cannabis, nda] à 12 ans. A 13 ans à prendre déjà des drogues. […] Ma vie a commencé à 10 ans, j’écoutais plus personne, je m’écoutais moi, je faisais le mur tout le temps, je volais, tout le temps. Je faisais du trafic. […] Après cambriolages, vols, bon parcours de délinquant quoi. Plein de rendez-vous chez les keufs. »
Charlotte :
« Maintenant que j’en parle ouvertement de l’intersexualité, ma mère me demande, elle m’avait déjà posé la question à l’époque, elle m’a dit « Est-ce qu’on a bien fait de t’opérer ? » et j’étais là « Oui. Vous avez bien fait. ». Et maintenant elle me repose cette question et je peux plus lui dire oui, tu vois ? Et je dis « C’est pas… » du coup je dis : « C’est pas de votre faute, c’est la faute des médecins, c’est la faute du système, c’est la faute de plein de choses mais pas de vous. » Mais ma mère a toujours cette question de culpabilité. […] Après l’opération, les médecins ont tout de suite vu en fait que mon corps réagissait mal aux vaginoplasties etc, et donc y a eu une discussion « Est-ce qu’on arrête les vaginoplasties et on la laisse juste sans vagin, ou avec un vagin sténosé, ou est-ce qu’on continue ? Mais si on continue, on est obligés de continuer…voilà » […] Y avait un médecin qui avait indiqué « Il faut trouver un équilibre entre les craintes des parents et le désir de perfection des médecins, pour éviter le traumatisme de l’enfant ». Et cette phrase je l’ai lue avec [une amie intersexe] y a 2-3 mois et je l’ai là encore (montre sa gorge). Enfin elle est un peu chaude quand même, elle résume assez bien mon parcours médical quoi, où y a les médecins qui voulaient vraiment que j’ai « un beau vagin praticable », et mes parents qui à la première opération leur faisaient confiance, et après se sont rendus compte que c’était pas forcément la meilleure chose qui était faite […] et ce qui fait que maintenant ils me demandent toujours « Est-ce qu’on a bien fait? ». »
Pierrette, 56 ans, présentant des chromosomes XY et insensible aux androgènes (variation découverte à la puberté) :
« Tu vois cette histoire de néovagin […] l’autre jour j’ai eu une montée d’angoisse et la pensée qui m’a apaisée ça a été : « Cette partie de moi qu’on m’a trafiquée, cet endroit qu’on m’a trafiqué, ça ne m’appartient pas. » Je n’ai jamais, à l’arrivée je n’ai jamais accepté cette partie de mon anatomie, jamais. […] Cette zone, sexuelle on va dire, en ce qui me concerne c’est une extra-territorialité. C’est puissant pour moi cette pensée. C’est-à-dire que cette zone elle ne m’appartient plus. […] C’est un truc que la société m’a fait faire, mais qui ne m’appartient pas. »
Lien vers la pétition : bit.ly/CeSeraSonChoix
Source : PETIT Loé, « De l’objet médical au sujet politique : récits de vies de personnes intersexes », Mémoire de master en sciences humaines et sociales (mention études sur le genre), sous la direction d’Eric Fassin, Saint-Denis, Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis, 2018
Crédits image : Bogomil Mihaylov
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Je souhaiterai témoigner moi aussi de mon expérience dans les mutilations que j’ai moi aussi subit (je suis également intersexe)
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Je suis la maman d’un.e enfant Intersexe, né.e avec une Hyperplasie Congénitale de Surrénales découverte pendant la grossesse. La première chose que l’on ma dit à l’hôpital c’est de ne pas m’inquiéter, car « cela s’opère ». J’ai eu un suivi prénatal oppressant, avec beaucoup de la bienveillance, mais on ne m’a jamais demandé mon avis, ni celui du papa, on nous amenait par ce chemin médical, sans nous laisser le choix, il a fallu que j’insiste à refuser le rdv avec le chirurgien, et que nous insistions à leur expliquer que si la chirurgie n’était pas vital pour notre bébé, nous ne souhaitions pas le faire, les médecins ne voulaient pas comprendre notre choix.
Mon bébé a 8 mois maintenant, génétiquement parlant c’est une fille, elle suit un traitement nécessaire à son développement, elle va très bien, c’est un bébé magnifique. Ce sera son choix de décider une éventuel chirurgie à l’avenir, je ferai de mon mieux pour que ce soit un choix éclairé, mais ce choix lui appartient, cela est fondamental.
Merci de faire le travail que vous faites pour défendre ses droits.
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